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Atys sous l'empire du Sommeil (Gil Isoard) / Photo : Pierre Grosbois pour l'Opéra Comique
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Jean-Marie Villégier, metteur en scène du Grand Siècle | 16 mai 2011
Vingt-quatre ans après la résurrection d’Atys, l’opéra de Lully que Louis XIV préférait, l’Opéra-Comique remonte à l’identique cette production qui a fait date dans l’histoire du spectacle : la
magie en est intacte, l’enchantement opère comme au premier soir. Mise en scène, chorégraphie, décors, costumes, tout a été scrupuleusement refait, et pourtant, rien à voir avec un simple «
copier-coller » dramaturgique. !
C’est qu’entre Atys-1987 et Atys-2011, presqu’un quart de siècle s’est écoulé : l’espace d’une génération. Cette seconde production se situe moins dans la ressemblance avec la première, que dans
sa descendance. En particulier pour les chanteurs : à l’exception de deux vétérans (Bernard Deletré et Nicolas Rivenq), aucun des nouveaux venus n’a participé à la première édition, ou n’y a même
assisté comme spectateur – trop jeunes !
Sous la houlette de William Christie, patron des Arts Florissants, il y a passage de relais, des adultes d’hier à leurs cadets d’aujourd’hui. Le patrimoine génétique s’est transmis inchangé –
même virtuosité, même érudition, même raffinement. Mais le sang s’est régénéré, suroxygéné par de nouveaux globules, rouge-vif.
Dans le rôle-titre, le ténor suisse Bernard Richter campe un bel indifférent fougueux, cachant mal sous un faux détachement le bouillonnement des sens, les affres du cœur. En Sangaride, la
princesse destinée au roi Célénus, à qui elle préfère Atys en secret, la délicieuse Emmanuelle de Negri alterne émois de l’adolescence et gravité des déchirements précoces, des rêves trop tôt
brisés. A l’écoute de leurs duos d’amour, si élégiaques, si désespérés, comment ne pas penser au Pelléas et à la Mélisande de Debussy et de Maeterlinck ? Le rapprochement qui s’impose entre ces
derniers noms et ceux de Lully et de Quinault prouvent à quel point, en art, les chefs d’œuvre ignorent le découpage des siècles et se moquent des étiquettes esthétiques !
Atys (Bernard Richter) et Sangaride (Emmanuelle De Negri) : "Atys est trop heureux" / Photo : Pierre Grosbois pour l'Opéra Comique
Il faudrait citer tous les chanteurs, de la Cybèle racinienne de Stéphanie d’Oustrac – jalousie de Phèdre et fureur de Roxane – au chœur et aux seconds rôles tenus par les « jeunes pousses » du
Jardin des Voix, cette pépinière de nouveaux talents sur laquelle William Christie veille en horticulteur jaloux (1).
L’orchestre des Arts Flo’ est lui aussi sous régime vitaminé, en particulier les pupitres de cordes, étoffés, renforcés par les instruments du Centre de Musique Baroque de Versailles. William
Christie a revu ses tempi à la hausse : les mouvements rapides plus vifs, les modérés plus lents. Bercé par les flûtes, le célèbre « Sommeil d’Atys » s’étire jusqu’aux limites de la plus
voluptueuse léthargie. Là encore, on cède à l’hypnose, on voudrait ne pas voir finir cette scène des « songes », dansée avec une grâce onirique par Gil Isoard. « Ce spectacle, nous confiait son
metteur en scène, Jean-Marie Villégier, est appelé à une nouvelle vie » (2). Elle promet d’être longue.
Gilles Macassar
(1) Baroque Académie, William Christie et le Jardin des voix, 1 DVD Bel Air Classiques.
A voir
Atys, de Lully, les 16, 18, 19 et 21 mai à 19h30, à Paris (Opéra-Comique), tél. : 0-825-01-01-23 ; les 31 mai, 1er et 3 juin à Caen (14) ; les 16, 18 et 19 juin à Bordeaux (33) ; les 14, 15 et 17
juillet à Versailles ; les 18, 20, 21, 23 et 24 septembre à New York.
En direct sur Mezzo et Mezzo Live HD, le 21 mai,
En différé sur France Musique, le 4 juin.