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20 février 2012 1 20 /02 /février /2012 09:23

Vu sur le Monde.fr

 

 

Avec le développement de l'achat au titre favorisé par la bibliothèque multimédia numérique d'Apple, iTunes, la notion d'album a pris du plomb dans l'aile.

 

 

Avec le disque vinyle, 45-tours et 33-tours, l'industrialisation de la musique enregistrée, à partir du milieu des années 1950, en matière de variété, de rock et de pop, a d'abord obéi à une logique du titre. L'album étant constitué d'une accumulation de succès publiés en 45-tours. Puis les artistes soucieux de "créer une oeuvre" commencèrent à raisonner en termes d'albums, avec un début, un milieu, une fin. Et l'album devint roi à partir du milieu des années 1960.
Avec la chute des ventes de CD, qui a d'abord touché le format single, et surtout le développement de l'achat au titre, que la bibliothèque multimédia numérique iTunes de la société Apple a imposé au monde du téléchargement payant, la notion d'album semble avoir pris ces dernières années du plomb dans l'aile. Commercialement, c'est en tout cas la tendance dans les modes de consommation des gros marchés pop et variétés.


Constat partagé

 

"Une étude que nous venons d'effectuer sur les deux dernières années de vente sur notre catalogue d'environ 2 millions de titres révèle que seulement 10 % de nos clients achètent un album dans son entier, alors que 90 % d'entre eux se contentent de télécharger deux-trois titres par album", explique Denis Ladegaillerie, de Believe Digital.

 

Constat partagé par la quasi-totalité des acteurs du secteur, services de ventes en ligne ou de streaming. A l'exception notable du Français Qobuz, qui a fait de la valorisation de l'album et de la qualité du son ses chevaux de bataille.

 

Du coup, les musiciens vont-ils continuer à considérer l'album comme le modèle de référence pour la constitution d'un répertoire, d'un univers et d'une crédibilité artistique ? Ou la composition de chansons en tant qu'entités individuelles va-t-elle dorénavant dominer artistiquement et commercialement ? Un retour aux sources d'une certaine manière. "Je conseillerais aux musiciens de ne pas attendre les deux ou trois ans nécessaires à la conception d'un album, ajoute M. Ladegaillerie, mais de publier trois ou quatre titres par an leur permettant d'être plus en contact avec leur public, en élaborant un environnement musical plus facile à créer que celui d'un long format."

 

Certains genres musicaux - en particulier les musiques dites "urbaines" (hip-hop, électro, dance...) - s'adaptent plus naturellement à ce type de fonctionnement. Des artistes issus de ces styles comme Flo Rida, David Guetta, Skrillex ou Katy Perry abreuvent ainsi régulièrement leur public de EP (quatre titres au temps du 45-tours) numériques, souvent vendus à plusieurs millions d'exemplaires. Toutefois, du côté du jazz, de la chanson, du rock et de la pop, la tradition de l'album est encore forte. On parle et on attend le "nouvel album" de Diana Krall, de U2, de Madonna, de Laurent Voulzy, etc.

 

Patron de la maison de production Because (Manu Chao, Selah Sue, Amadou & Mariam, Metronomy, Sefyu...), Emmanuel de Buretel voit se dessiner un clivage entre les productions des multinationales et celles des maisons indépendantes. Les premières se concentreraient ainsi sur la vente au titre et la fabrication de faiseurs de tubes, avec l'utilisation de pôles d'auteurs-compositeurs fournissant du sur-mesure pour différents artistes - un modèle que Berry Gordy Jr. avait organisé dès 1959 avec la compagnie soul Tamla Motown, souvent qualifiée d'"usine à tubes". Les secondes se consacrant plus au développement de carrière et de personnalités construit sur la notion d'album.

"Ce n'est pas un hasard si deux des meilleures ventes de disques en France cette année sont issues de labels indépendants : Adele (plus de 17 millions d'albums vendus dans le monde en 2011), chanteuse du label anglais XL, et Selah Sue, chez Because", croit pouvoir affirmer Emmanuel de Buretel.

 

Contrats "360°"

 

Le patron de la branche française de la major américaine Warner Music Group, Thierry Chassagne, croit tout autant à l'avenir des albums. Il vient d'ailleurs de réactiver le label EastWest pour développer les carrières de nouveaux artistes avec cette idée en tête.

 

"La vente de disques n'est plus notre seule source de revenus. Nous signons des contrats dits "360°" où nous gérons la vente de musique, l'édition, la production de spectacles, explique-t-il. Pour qu'un artiste puisse tourner, il lui faut un vrai répertoire, renouvelé par la production d'albums. Il faut juste que nous soyons plus exigeants avec la qualité et la cohérence de ces albums."

 

Si clivage il y a, ce serait plutôt sur les modes de consommation par territoire. "Aux Etats-Unis, le modèle dominant est le téléchargement payant titre par titre. En France et dans plusieurs pays d'Europe, le streaming et les systèmes d'abonnement proposant d'écouter et de télécharger à volonté permettent d'écouter plus facilement des albums entiers." Les artistes, eux, du plus anonyme à la superstar, continuent majoritairement de vouloir inscrire à leur palmarès l'album phare de leur carrière, destiné, forcément, à devenir mythique.

 

Stéphane Davet et Sylvain Siclier
 

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