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4 janvier 2010 1 04 /01 /janvier /2010 12:33
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La décennie (2000-2009) qui s'achève a engendré une véritable révolution des manières d'écouter, de révérer et de collectionner la musique. En 10 ans, une révolution culturelle est intervenue pour le meilleur et pour le pire. Revue de détail en 10 points de ce qui a changé dans la façon de se confronter à la musique pop.
Voir aussi les meilleurs titres des années 2000

01. Le rock à papa est mort

Les anciens prétendent que les Pixies n'ont jamais existé, que Radiohead est vachement surfait et que toutes les conneries qui prétendent mélanger rock et électro ne sont jamais arrivés à la cheville des pionniers. Tout aurait été inventé et réinventé dans les années 80. Après le "retour du rock" symbolisé par l'avènement new-yorkais des Strokes et d'Interpol, le retour de Dinosaur Jr et de quelques autres, la musique est repartie sur de nouvelles bases exploratoires, transgenres, métissées, bizarroïdes ou néo-psyché. La musique ne s'écoute plus de la même façon : la formule guitare-basses-batterie aurait vécu. On écoute aujourd'hui du rock de studio, du rock de cathédrale dont seules les oreilles ordinateurs peuvent percer toutes les richesses.

 

02. CD et vinyls auront bientôt disparu au profit des supports numériques

On a beau nous dire que le vinyl revient fort, cela ne se voit que dans les articles qui soutiennent la cause. Plus personne n'a de tourne-disques (platine ?) et les 78 tours ne passent pas dans le mange-disques en plastique de votre fils de 3 ans. Le CD s'effondre à son tour, remplacé par les mp3, mp4 et bientôt par des diffusions clippées uniquement sur téléphone mobile. On en avait marre des picots du milieu qui cassent dès qu'on enlève la rondelle de sa boîte. Et puis les grésillements, les parasites, c'était très seventies.

 

03. Les pochettes et autres couvertures ont été remplacées par des objets d'art

Avec la boîte de 30 CD à graver pour quelques euros, l'objet musical a lui aussi muté. 20 euros pour un livret au rabais, un carré de carton sans les paroles et la mention des auteurs. Les supports résiduels ont revu leur économie. L'objet musical à l'ancienne (CD, coffret) se pose désormais en oeuvre d'art et en objet collector. Le CD simple va mourir, remplacé pour les amateurs de luxe en coffret surtaxé, dopé par un livret géant, des images exclusives, un passe-magique pour des services en ligne, des godemichets moulés sur la queue des artistes (Rammstein). On ne sait plus quoi faire pour susciter l'acte d'achat et essorer les derniers gogos qui achètent encore des disques.

 

04. Le téléchargement illégal dicte sa loi

Malgré Hadopi et de sévères interventions sur toute la planète visant à casser les reins des multinationales du peer to peer, les vivants remplacent les morts (Demonoid est revenu après 3 mois d'interruption, Mininova a fermé boutique en décembre 2009) et la diffusion de musique s'en est trouvée affectée. La notion d'exclusivité n'existe plus : tous les disques sont en moyenne leakés un bon mois avant leur sortie. Il arrive parfois que par nostalgie ou loyauté (ces comportements disparaîtront bientôt), on se sente obligé d'acheter un album d'un artiste qu'on aime bien de peur qu'il ne vienne un jour chez soi et réclame sa part. On ne trompe pas ses meilleurs amis. Quand Radiohead fourgue son album en ligne et ne demande rien, on leur offre quelques euros pour se donner bonne conscience.

 

05. Les albums ne s'écoutent plus jamais en entier

Le CD avait lancé la tendance mais la décennie a définitivement anéanti les espoirs de ceux qui créaient des albums pour qu'on les écoute dans l'ordre et dans la continuité. Les albums-concept ont du plomb dans l'aile. On dit adieu aux Prefab Sprout et aux Flaming Lips. Les jeunes générations rejoignent la vieille prédiction de Frank Black : "l'unité de compte de la pop music, c'est la chanson, rien d'autre." L'album ne vaut rien et se présente comme une succession aléatoire et composite de titres qui peuvent être déplacés, sautés, effacés, skippés, évités, répétés selon l'envie du moment. Les amateurs de musique sont aujourd'hui des consommateurs de tracks.

 

06. Les CDthèques n'ont plus besoin de murs extensibles

Sur le disque-dur, les mp3 sont classés dans des dossiers à raison d'un dossier par album et d'un sous-dossier par auteur. Bye, bye, la pièce de l'appartement sacrifiée pour entreposer des murs de CD, des tours étagères géantes qui se multiplient au fil des années et causent des disputes familiales, les engueulades autour de la collection déclassée ou à laquelle "on a touché". Là où on adoptait jadis un archivage par auteurs, on trouve désormais des classements par genre : rap, hip-hop, rnb, new jack, soul, dance, techno, dub....

 

07. Les DVD vidéos de concert ont remplacé les CD pirates et autres live officiels

Il fut un temps où les albums live étaient rares, recherchés, prisés, où l'on vendait des concerts pourris enregistrés depuis les toilettes (ou la console) à des prix défiant toute concurrence. Aujourd'hui, le live rapporte du cash à Noël et permet de faire patienter le chaland entre deux albums officiels. L'image est un must. Le son a perdu son rang. On n'a toujours pas compris, avec notre écran 36 cm, l'intérêt de voir Nirvana à Reading dans un canapé plutôt qu'à Reading (concert excellent au demeurant). Demain, l'immersion 3D permettra sûrement de vivre l'expérience ultime : être le petit doigt de Jimi Hendrix, la couille droite de Noel Gallagher, l'oeil de PJ Harvey.

 

08. Myspace permet de découvrir des groupes moyens

On nous avait vendu ça comme le nouvel eldorado de la musique en ligne et puis quoi ? Une interface pourrave qui saute à chaque fois en cours de lecture, des possibilités de téléchargement aussi minces qu'après 20 ans d'Hadopi, un moteur de recherche maladroit. Est-ce qu'on avait vraiment besoin de la Chanson du Dimanche, de Sliimy et des Arctic Monkeys ? A la rigueur...

 

09. La presse magazine musicale entre en coma dépassé

Vous trouviez que JD Beauvallet et Philippe Manoeuvre avaient une belle plume, que 5 euros pour Magic c'était cher mais qu'avec plus de cinquante critiques de disques par mois et quelques interviews et photos sympas, ça pouvait passer. C'est fini maintenant : Carla Bruni est en couverture. Entre vous et la presse écrite musicale, le lien a longtemps été fusionnel. Il a fondu au soleil même si vous gardez les vieux magazines dans de vieilles boîtes à chaussures. Avec Pitchfork, Fuctuat (hé, hé) et vos dizaines de pages préférées montées en RSS, les nouveautés musicales et les critiques qui vont avec tombent comme des croissants chauds.

 

10. Le prix des places de concert s'envole

La dernière fois que vous êtes allés à Londres, vous avez vu les Television Personalities dans un bar pour 3 livres. Pas cher pour un groupe culte. Mais vous avez dû renoncer à aller voir Leonard Cohen parce que les places les plus pourries étaient facturées 75 euros. Les écrans géants, les duplex avec la navette spatiale, les vidéos arty projetées en arrière plan et la boutique de souvenirs vont devenir la norme. On ne parle plus de concert mais d'expérience totale, de trip sensoriel dans l'univers d'un artiste. Au Stade de France, Dave Gahan mesure 8 centimètres, Madonna 6. Vous avez acheté un programme (7 euros), le billet (92 euros), la fameuse clé USB avec le concert du lendemain dessus (20 euros), un tee-shirt trop petit (17 euros), une carte postale dédicacée (8 euros) et un vieux machin qu'on appelle un badge (6 euros).

 

Bonus : 11. Les amateurs de musique se posent en spécialiste de la qualité du son

La réédition des Beatles a permis de découvrir un nouveau phénomène. L'amateur moyen de musique peut désormais discuter pendant des heures sur les forums de la qualité de la duplication d'un son, comparer l'écho des 256k et des 128, modifier une compression, vanter les vertus réciproques de la mono et de la stéréo. L'amateur de musique est devenu un technicien du son ? Avant, on arrivait tout juste à émettre trois avis nuancés de cour d'école pour parler du vinyl qui craque, du CD royal. L'artisanat qui consistait à coller des bouts de scotch pour réparer les rubans de K7 audio entortillés dans les roulements a fermé boutique.
Benjamin Berton

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